Une interview de Fernando Da Costa, co-CEO chez Omnicom Media Group France
CB Expert a rencontré Fernando Da Costa au début du mois de septembre. Voici le texte de son interview, paru dans le magazine CB News d’octobre.
CB Expert : La crise sanitaire a-t-elle complètement redistribué les cartes du paysage média et publicitaire?
Fernando Da Costa : Je ne crois pas que les crises redistribuent les cartes. Elles accélèrent des tendances ou des mouvements déjà existants. Globalement, les grands équilibres sont maintenus.
Deux médias ont plutôt pas mal tiré leur épingle du jeu : la radio qui a vu sa part de voix progresser sur la période, et l’affichage qui revient à un bon niveau après le confinement. La TV se maintient et reste un média refuge et de référence. C’est un média assez hybride, qui peut agir sur le court terme, tout en travaillant l’image d’une marque sur le long terme.
Autre valeur sûre du marché, la publicité digitale continue sa progression, en ligne avec les comportements des consommateurs. Les plateformes Google, Amazon et Facebook sont les grands gagnants de la période. Avec le développement du e-commerce, la tentation est forte d’utiliser majoritairement les deux médias TV et digital.
CB Expert : Les marques doivent-elles faire évoluer leurs discours?
Fernando Da Costa : D’un point de vue publicitaire, ce qui était vrai avant la crise l’est encore plus aujourd’hui. Les notions de transparence, d’écoute des consommateurs, d’essayer de favoriser la qualité plutôt que la quantité… Plus que jamais les marques doivent s’engager et s’appuyer sur des actes tangibles plutôt que sur des paroles. Et de plus en plus cet engagement passe par la notion de sincérité : une marque peut ne pas tout bien faire du premier coup, mais il faut qu’elle montre qu’elle fait des efforts et qu’elle s’améliore.
CB Expert : Un exemple d’annonceur qui a bien fait de continuer d’investir pendant le confinement?
Fernando Da Costa : Renault, qui a continué de communiquer notamment sur l’électrique (campagne Zoe), avec la volonté de montrer sa bienveillance envers les médias et son engagement sur une gamme de véhicules qui sont le futur de l’automobile. Sachant qu’à un moment ou un autre les ventes allaient repartir, il était important de continuer à creuser le sillon de cette démarche de marque responsable et investie dans un engagement sur l’environnement. Cela a travaillé la présence à l’esprit des modèles pour qu’en sortie de crise puisse s’enclencher la relance des ventes.
CB Expert : Comment percevez-vous l’état d’esprit des annonceurs? Etes-vous surpris par les comportements de certains secteurs?
Fernando Da Costa : Aujourd’hui, les marques investissent là où il y a un potentiel de demande ou un business latent. Par exemple, le secteur de l’informatique, complètement porté par le télétravail, a accru ses investissements médias de près de +50% sur janvier-juillet.
Clairement, les annonceurs, en ce moment, payent un peu pour voir, c’est-à-dire pour réenclencher la consommation, et la plupart le font de manière pragmatique et mesurée. Les consommateurs consomment ce dont ils ont besoin. On n’est loin de la caricature de la surconsommation. La période invite à la prudence et à un certain pragmatisme, à une logique de mesures des performances à court-terme afin de doser finement les investissements sur les prochains mois.
CB Expert : Comment les annonceurs les plus touchés par la crise (tourisme, transports, restauration…) peuvent-ils garder le lien avec leurs cibles ?
Fernando Da Costa : C’est un réel enjeu, il n’y a pas de recette miracle. Il faut s’appuyer sur les fondamentaux et beaucoup de bon sens. Agilité et confiance sont les dimensions clés pour rester au contact de leurs cibles. Je donnerais trois conseils :
. Communiquer de manière graduelle en fonction de la montée en puissance de l’activité et surtout de la performance observée au fur et à mesure.
. Communiquer régulièrement auprès des cibles et des clients de manière à rassurer. C’est là que le CRM a un rôle clé à jouer.
. Rétablir la confiance, être à l’écoute des consommateurs. Ce qui passe forcément par une communication de marque forte et pertinente en propositions de valeurs face aux attentes des consommateurs. Un engagement environnemental par exemple.
CB Expert : Observez-vous des tendances sur les appels d’offres?
Fernando Da Costa : Sur le volet médias, la tendance à la centralisation s’amplifie chaque année et se généralise, centralisation au niveau France (travailler avec une seule agence média) et au niveau international (l’annonceur opère un contrôle ou une gouvernance au niveau mondial ou régional). Cela répond à deux objectifs : une recherche de contrôle et une baisse des coûts. A cela, vient s’ajouter une dimension organisationnelle et stratégique, on voit de plus en plus d’annonceurs souhaitant transformer leur organisation, en transformant celle de leurs partenaires, en demandant l’intégration du média et de la création au sein de la même organisation, comme nous l’avons fait avec TBWA pour Air France ou avec Publicis pour Renault.
Cela correspond à la volonté de mieux comprendre et prendre en compte les audiences de la marque, afin de s’adresser à elles de manière plus juste, plus empathique et in fine plus efficace. Ces évolutions d’organisation ont pour vocation de mieux connecter les silos qui peuvent exister dans les organisations des annonceurs et en miroir chez leurs partenaires conseils: équipes branding, performance, CRM… Le but est d’aligner ces équipes autour d’une meilleure écoute, une meilleure analyse des consommateurs, par exemple en intégrant une grille de mesures et d’évaluations qui soit partagée par les différentes parties prenantes, qu’elles soient créa ou média, côté agence et côté annonceur.
Si la centralisation n’est pas une garantie de meilleure efficacité, une organisation plus fluide, plus dynamique, plus connectée aux consommateurs, intégrant une mesure partagée, apporte de bien meilleures performances.
CB Expert : Revenons à la crise, voyez-vous des raisons d’espérer?
Fernando Da Costa : La formidable capacité d’adaptation des Français pendant cette crise, d’une nature jamais vue, est un bon signe pour la suite. Du jour au lendemain, dans des secteurs comme le nôtre, on est passé d’un télétravail sporadique à 100% de télétravail. Les gens ont montré leur capacité de se réinventer par rapport à un virus et leur envie de vivre.
Cet été, on aurait pu croire que les gens allaient rester chez eux et avoir une certaine crainte de partir en vacances. Et finalement, ils ont eu envie de profiter de la vie et de voyager.
Fernando Da Costa est co-CEO chez Omnicom Media Group France
Propos recueillis par Emmanuel Charonnat
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