Flux automobiles, mouvements des téléphones mobiles, recherches d’itinéraires, fret ferroviaire, fréquentation des lieux publics et des centres commerciaux, sont autant d’indicateurs reflétant la reprise des activités
Dans son point de conjoncture du 17 juin, l’Insee estime que la perte de l’activité économique se limiterait, au mois de juin, à -12% par rapport à une situation «normale» après des mois de mars à -16%, avril à -29% et mai à -22%. La bonne nouvelle est que ces estimations ont été revues à la hausse par rapport aux points de conjoncture précédents.
Voici 7 analyses liées à la mobilité, reflétant la reprise progressive de l’activité en France, parfois comparée aux autres pays européens et aux Etats-Unis.
1- Le flux automobile dans les grandes villes (avec Mobimétrie)
Mobimétrie (ex-Affimétrie) a lancé cette année, avec Ipsos et Here Technologies, «Mob.index», une mesure hebdomadaire des déplacements automobiles des Français sur l’ensemble du territoire (cf méthodologie ici).
. Comparé à la dernière semaine de confinement (4 au 10 mai), les progressions de trafic automobile s’élèvent, pour la semaine du 15 au 21 juin, entre +102% à Mulhouse et +191% à Paris.
. Comparé à une période pré-confinement (du 13 janvier au 16 février), les niveaux relevés se rapprochent d’un retour à la normale. Comme le montre l’illustration ci-dessous, la circulation à Paris représente aujourd’hui (du 15 au 21 juin) 80% de son niveau pré-confinement. A Lille, ce taux atteint 85%, à Lyon 91%, à Marseille 93%, à Rennes 95%. Seul Blois présente un retour à la situation de pré-confinement (100%).
2- Une estimation des trajets domicile-travail à travers les distances matinales parcourues par les utilisateurs de téléphone mobile (par Orange)
Les estimations de mobilité réalisées par Orange Business Services France (pour l’Insee) mettent en évidence:
. Alors que la semaine précédant la mise en place du confinement était comparable à une semaine d’activité normale, les déplacements ont fortement chuté dès le 17 mars.
. Les 2 premières semaines pleines qui ont suivi la mise en place du confinement (semaines du 23 mars au 5 avril) ont été celles où les déplacements matinaux des résidents français ont été les plus limités, représentant moins d’un quart de ceux effectués habituellement.
. À partir de la mi-avril, les trajets matinaux ont légèrement repris pour atteindre progressivement 40% d’une activité normale avant
la fin du confinement.
. Après le 11 mai, les trajets matinaux ont dépassé la moitié de ceux observés début février, avant d’atteindre 60% de ce niveau à la fin du mois de mai, en dehors des jours fériés et de ponts qui réduisent l’activité.
Afin de cibler au mieux les trajets entre le domicile et le lieu de travail, lesquels sont directement reliés à des motifs d’activité professionnelle, seuls sont considérés ici les déplacements se terminant entre 7 heures et 9 heures chaque matin, suivis d’une période de stabilité d’au moins 3 heures.
La semaine ouvrée de référence s’étend du lundi au vendredi de la première semaine de février 2020 (semaine 6 ouvrée) qui a précédé les vacances scolaires d’hiver et n’était plus affectée par les mouvements sociaux dans les transports ayant perduré jusqu’à la fin janvier.
Comme le montre les deux cartes ci-dessous, les déplacements ont été les plus réduits dans les zones urbaines en sortie de confinement (semaine 22, du 25 au 29 mai) comme durant le confinement (semaine 13, du 23 au 27 mars). Ces deux semaines sont comparées à la semaine 6 (du 3 au 6 février : base 100).
L’ampleur des déplacements matinaux a été réduite, pendant le confinement, dans de plus grandes proportions dans les métropoles que dans les zones moins densément peuplées : à Paris, Lyon, Toulouse,
Bordeaux et Nantes l’indice est tombé à moins de 20% du volume habituel.
L’ampleur des déplacements peut s’interpréter comme un reflet de l’activité: les grandes métropoles seraient ainsi les zones où l’écart d’activité relativement à un niveau habituel demeurerait, à la fin mai, le plus important à combler.
Ces contrastes géographiques peuvent aussi s’expliquer par la répartition des types d’emploi entre les métropoles et les zones moins densément occupées. En effet, le télétravail, massivement utilisé depuis mi-mars concerne surtout certaines fonctions plus fréquemment rencontrées dans les métropoles (services administratifs, numériques, etc.). À l’inverse, de nombreuses activités plus courantes en zone rurale (agriculture, artisanat, très petites entreprises) ont pu être moins affectées par les contraintes sanitaires et contribuer au maintien plus élevé des déplacements dans ces territoires moins denses.
3- Le fret ferroviaire sur le réseau SNCF
Depuis le début du confinement, l’Insee exploite les informations journalières de trafic de fret ferroviaire transitant sur le réseau de la SNCF par rapport à une situation de référence, dite «normale». Ces données fournissent ainsi une estimation de la perte d’activité du fret ferroviaire mais peuvent également être vues comme un indicateur plus général de la perte d’activité globale, dans la mesure où le transport de marchandises par voie ferrée est corrélé au volume de marchandises échangées dans l’économie.
Les deux semaines suivant la mise en place du confinement, la circulation du fret ferroviaire a diminué rapidement pour atteindre une moyenne de 63% de trains en circulation entre le 23 mars et le 23 avril par rapport au nombre habituel. En mai et en anticipant un peu la mise en place du déconfinement, le trafic a poursuivi sa reprise pour s’établir en moyenne à 75%. Début juin, il s’est établi autour de 85% en moyenne sur le réseau SNCF.
4- La fréquentation des lieux publics et des commerces (avec Google Maps)
La situation quant à la fréquentation des lieux publics, notamment des commerces de détail hors alimentaire (et divertissement), telle que représentée par les indicateurs fournis par Google Maps Mobility semble avoir relativement convergé entre les principales économies européennes.
Ainsi le 5 juin, la baisse de la fréquentation de ces commerces était de 26% et de 28% en France et en Italie, et proche de la baisse de 20% en Allemagne (comparaisons effectuées par rapport à une situation de référence entre le 3 janvier et le 6 février).
5- L’activité dans les centres commerciaux (avec Google Trends)
La réouverture des commerces de détail hors alimentaire, se reflète aussi dans les requêtes Google relatives aux centres commerciaux. En France, le nombre de requêtes pour les centres commerciaux la première semaine de juin était même supérieur de 6% au niveau de 2019.
6- L’indice de mobilité d’Apple Maps
Selon l’indicateur de mobilité d’Apple, qui rassemble les recherches d’itinéraires sur l’application Apple Maps, les recherches d’itinéraires en voiture poursuivent leur hausse dans tous les pays, avec des nuances : les recherches début juin ont rejoint leurs niveaux de janvier en France et en Italie, en lien avec la possibilité dans ces deux pays de se déplacer librement sur l’ensemble du territoire.
La reprise est plus avancée en Allemagne et aux États-Unis, en France et en Italie qu’en Espagne et au Royaume-Uni.
7- Les indicateurs de congestion routière et de trafic aérien
L’indice TomTom de congestion routière dans les principales villes européennes témoigne d’un retour très progressif de l’usage de la
voiture. En Allemagne, l’indice de congestion routière demeure très proche de son niveau sur la même période en 2019 avec un niveau inférieur de 3% la première semaine de juin. En France, le rebond est assez soudain, avec un indice de congestion début juin inférieur de 13% à celui de 2019, après une baisse près de 26% mi-mai et de 61% début mai. Le trafic routier est toujours très bas aux États-Unis, inférieur de 78% à ses niveaux de 2019, ainsi qu’au Royaume-Uni, où l’indice de congestion est inférieur de 65%.
Début juin, c’est en Allemagne (-46%) et en France (-50%) que le trafic aérien a le plus repris, selon le ratio du nombre de vols annulés sur le nombre de vols habituellement prévus dans les 3 plus grands aéroports du pays (mesuré par Flightradar24).
Enfin, l’analyse des transactions par carte bancaire CB en magasin et à distance est un bon indicateur de l’évolution de la consommation des ménages. Comme le montre le graphique ci-dessous, le montant total de transactions par carte bancaire, reste, depuis la fin du confinement, globalement proche de celui de 2019.
Emmanuel Charonnat
Ce qu’il faut retenir
. L’Insee estime que la perte de l’activité économique se limiterait, en juin, à -12% par rapport à une situation «normale» après mars à -16%, avril à -29% et mai à -22%
. Par rapport à une période pré-confinement, le niveau de flux automobile du 15 au 21 juin se situe entre 80% (Paris) et 100% (Blois)
. Fin mai, les trajets matinaux domicile-travail (7h-9h) atteignent 60% de ce qu’ils étaient lors de la première semaine de février
. Début juin, le fret ferroviaire sur le réseau SNCF s’est établi autour de 85% du niveau «normal»
. D’après Google Maps Mobility, le 5 juin, la baisse de la fréquentation de ces commerces était de 26% et de 28% en France et en Italie, et proche de la baisse de 20% en Allemagne.
. En France, le nombre de requêtes pour les centres commerciaux la première semaine de juin était supérieur de 6% au niveau de 2019
Lire aussi :
. l’article de CB News «L’Insee saupoudre l’économie française d’un peu d’optimisme»
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. La vie post-confinement : comparaison entre les pays du G7 (juin 2020)
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. Déconfinement: le niveau de sécurité est jugé plus satisfaisant que prévu dans les entreprises et dans les transports (mai 2020)
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. Confinement: la carte des mouvements de population comparée à la carte des résidences secondaires des Parisiens (avril 2020)
. Renouvellement du parc auto: les attentes des Français (mars 2020)
. Quels sont les nouveaux modes de déplacement les plus utilisés en France? (janvier 2020)
Accès à la publication de la mesure Ipsos/Mobimétrie
Accès aux autres sources dans le Point de Conjoncture de l’Insee du 17 juin
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