Un confinement d’un mois aurait un impact de l’ordre de 3 points de PIB annuel
Dans un communiqué publié en parallèle de sa note de conjoncture de mars, l’Insee publie des estimations des chutes d’activité et de consommation en France liée à la crise sanitaire en cours, pour la semaine du 23 au 29 mars.
La perte d’activité économique est actuellement estimée à 35% par rapport à une situation «normale».
Cet ordre de grandeur semble cohérent avec les premières informations disponibles sur la situation des salariés, dont un tiers environ serait en activité sur le lieu habituel de travail, un tiers en télétravail et le dernier tiers en chômage partiel. Ce chiffrage semble également compatible avec la diminution observée de la consommation d’électricité, actuellement d’environ un cinquième par rapport à un fonctionnement «normal» de l’économie. En effet, seule une partie de cette consommation réagit à la baisse d’activité, les ménages continuant notamment d’en consommer à leur domicile.
L’impact de la crise sanitaire en cours est assez hétérogène suivant les branches d’activité:
. Les activités agricoles devraient se poursuivre seulement un peu en-deçà de la «normale» et les industries agro-alimentaires seraient moins affectées que le reste de l’industrie. L’ensemble ne verrait son activité fléchir que légèrement (-4%).
. En revanche, compte tenu des remontées obtenues dans les différentes branches industrielles, seule la moitié de l’activité du reste de l’industrie serait maintenue.
. la perte d’activité de la construction est estimée à -89%.
– Parmi les services marchands, certaines branches sont très sévèrement touchées (transports, hôtellerie, restauration, loisirs, etc.) tandis que d’autres le sont sans doute beaucoup moins (télécommunications, assurance, etc.). Par ailleurs, les versements de loyers immobiliers sont inertes et donc peu affectés à court terme pour la plupart. Les 2/3 de l’activité des services marchands seraient ainsi maintenus.
– Concernant les services non marchands, leur prise en compte en comptabilité nationale retient le plus souvent l’hypothèse d’une valorisation par leurs coûts de production, principalement salariaux, ce qui les rend très inertes par nature. Le recul de l’activité y est donc moins marqué, par convention. Néanmoins, certaines activités des services non marchands baisseraient fortement (crèches, garderies, bibliothèques, activités sportives par exemple). L’estimation de perte d’activité est de -34%.
La consommation des ménages serait également inférieure de 35 % à sa «normale»
A partir des mesures mises en place pour le confinement (liste des commerces pouvant restés ouverts), des remontées des fédérations professionnelles ainsi que des données quotidiennes liées aux transactions par cartes bancaires, il est aussi possible d’estimer l’évolution de la consommation des ménages, en instantané par rapport à une période «normale».
La consommation des ménages se replierait ainsi très fortement, de l’ordre de -35%. La plus forte contribution à cette baisse résulte de l’effondrement de la consommation de nombreux biens de l’industrie manufacturière (-60%), qui compte pour 18 points de cette baisse. Certaines dépenses de consommations se sont réduites au minimum, entre -100% et -90% (matériel de transport, textile, habillement). D’autres se maintiennent (électricité, eau), voire augmentent légèrement (industrie pharmaceutique: +5%).
La consommation de services marchands a également diminué, d’environ 33 %, contribuant à la baisse totale de la consommation à hauteur de 15 points. Toutefois, en écartant les dépenses de logement qui, par nature, sont peu affectées à court terme, la baisse est autour de 55% et particulièrement massive dans les secteurs de la restauration, de l’hébergement et des transports.
La consommation de services non marchands baisserait de 34%, contribuant à hauteur de 2 points à la baisse d’ensemble.
Du fait de la suspension des travaux de rénovation, la consommation des ménages dans la branche de la construction baisserait de 90%, contribuant à une baisse de 1 point de la consommation totale des ménages.
A contrario, du fait du confinement et de la baisse de la consommation dans la restauration, la consommation des ménages en produits agricoles et agro-alimentaires augmenterait de 6%, réduisant la baisse totale de la consommation de 1 point.
Comptablement, un confinement d’un mois aurait un impact de l’ordre d’une douzaine de points de PIB trimestriel en moins, soit 3 points de PIB annuel.
A partir de l’estimation de ces effets «instantanés», l’Insee souligne qu’il n’est pas aisé de déduire des prévisions trimestrielles ou annuelles d’évolution du PIB français. En effet:
– L’évolution de la croissance du PIB est très étroitement liée au scénario de sortie de la crise sanitaire. Or l’Insee ne dispose pas de capacités de prévision à ce sujet.
– Les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises visent à empêcher que ce choc brutal mais a priori temporaire ne laisse des cicatrices permanentes trop profondes. Mais il n’est pas exclu que le retour à la normale ne soit pas immédiat.
– Enfin, le comportement des agents économiques dépendra de leur confiance dans l’amélioration de la situation sanitaire et reste de ce fait très incertain.
Néanmoins, à titre d’illustration, le tableau ci-dessous traduit comptablement en points de PIB trimestriel et annuel la perte d’activité liée à un ou deux mois de confinement. Un mois correspondrait ainsi à environ 12 points de PIB trimestriel en moins, soit 3 points de PIB annuel. Deux mois à 6 points de PIB annuel.
Méthodologie:
. Ces estimations visent à évaluer la perte d’activité directement liée aux mesures d’endiguement de la crise sanitaire, et en particulier au confinement de la population. Il s’agit donc de comparer la situation estimée de l’activité de la semaine actuelle (du 23 au 29 mars) à ce que l’on aurait pu attendre d’une semaine «normale».
. Pour ce faire, des hypothèses ont dû être formulées pour chaque branche, concernant la part d’activité maintenue, à partir de sources diverses: remontées directes d’entreprises (cas notamment des transports) et de fédérations professionnelles via les informations collectées par la Direction générale des entreprises, France Industrie, le Medef, Rexecode, etc. Des données «haute fréquence » ont également été mobilisées, qu’il s’agisse par exemple de la consommation d’électricité, des transports ferroviaires ou des statistiques sur les transactions par cartes bancaires obtenues via le Groupement Cartes bancaires CB.
Emmanuel Charonnat
Ce qu’il faut retenir
. La perte d’activité économique est actuellement estimée à 35% par rapport à une situation «normale» (dernière semaine de mars)
. La consommation des ménages serait également inférieure de 35 % à sa «normale»
. L’agro-alimentaire ne subit qu’une perte d’activité de -4% alors que la consommation alimentaire augmente de +6%
. Un mois correspondrait à environ 3 points de PIB annuel, deux mois à 6 points
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