Daniel Bô, Président de Brand Content Institute, nous raconte comment les retailers s’emparent du brand content multicanal pour séduire et fidéliser leur clientèle
Avec ses 17 000 fiches produit, dans une trentaine de langues, et ses 30 sites internet, dont le site Conseil Sport qui vous motive à vous mettre au sport, Decathlon illustre la richesse du contenu pour les retailers. 80 sports sont organisés en marques propres, de la montagne avec Quechua, aux sports collectifs avec Kipsta. Une trentaine d’entre eux ont fait le choix de communiquer auprès de leurs communautés de sportifs comme Forclaz pour les passionnés de trek. Decathlon, c’est aussi des pages Facebook pour chaque magasin avec des contenus personnalisés selon la pratique locale. C’est du contenu sur le lieu de vente, dans les magasins Decathlon City ou encore dans les dix Decathlon Village destinés à s’équiper, pratiquer et partager dans un même espace. C’est la contribution d’un grand nombre de sportifs et de collaborateurs passionnés, qui doivent apprendre le métier. Ils sont accompagnés par des équipes organisées en Coopérative Communication sous la houlette d’une content room.
Le rôle du contenu sur le lieu de vente
Le contenu de marque est un moyen d’animer le point de vente et d’enrichir l’expérience de l’acheteur. Véritable espace d’expression, le lieu de vente nécessite un apport de contenus : photos ou supports pédagogiques, livres ou magazines à consulter, films à découvrir sur écrans, corners d’expérimentation, tablettes à disposition de vendeurs augmentés, etc. Le brand content peut apporter au point de vente une aide pratique mais aussi de l’émotion et de la surprise. En 2009, la chaîne de magasins américaine Macy’s a créé le personnage de Virginia à partir d’un conte de Noël. Devenu l’icône des fêtes aux Etats-Unis, Virginia a participé aux animations commerciales du magasin jusqu’en 2016 : vitrines, parades, boîte aux lettres du Père Noël en magasin, comédie musicale.
Les tendances sur le lieu de vente
Il y a de plus en plus d’informations explicatives en magasin. Lors d’un voyage au Canada début 2019, j’ai constaté la multiplication des comparateurs chez Best Buy, le Fnac Darty nord-américain. Les marques d’enceintes, de casques, de montres connectées, d’imprimantes ou de logiciels présentent leur gamme de façon comparative avec des outils pour tester. Chez Costco, le distributeur connu surtout pour ses prix cassés, les produits déstockés sont présentés avec des panneaux pédagogiques, parfois collés sur les cartons d’emballage. Face aux e-commerçants, le point de vente doit fournir les informations clés permettant de décider l’achat.
En parallèle, Amazon incite les marques à détailler leur culture produit et montre l’exemple. Consultez la fiche de l’enceinte connectée Alexa sur Amazon et vous constaterez la richesse des vidéos, tableaux, schémas et explications diverses (la commande vocale, les appels et messages mains libres, les skills, le style, la technique). Ces informations s’empilent pour former une tranche napolitaine d’une quinzaine de couches.
Culture produit et contenus explicatifs
Les contenus explicatifs, sur lieu de vente et online, s’imposent pour deux raisons :
• Par la nécessité de faire comprendre l’offre, sans l’intermédiaire d’un vendeur.
• Par le développement de produits de plus en plus complexes, avec des mécanismes cachés (réactions chimiques, logiciels intégrés ou produits électroniques).
Sur le site Subea.fr de Decathlon dédié à la plongée, la présentation du masque facial de snorkeling montre comment la buée est éliminée par un double filet d’air et raconte les coulisses de la conception du masque. Ce masque, bourré d’innovations, requiert plus d’explications qu’un simple tuba.
Même pour le textile, on a besoin de voir le vêtement sous toutes les coutures, en mouvement et de comprendre la technologie embarquée comme pour ce pull Asphalte, présenté comme une «bombe».
Des contenus éditoriaux aux contenus physiologiques
Dans les boutiques de marques comme Asics ou Nike à Londres, on assiste à la montée en puissance de contenus technologiques et sensoriels. Chez Asics, un espace «Run Analyser» décrypte nos foulées pour mieux nous conseiller. Au Niketown d’Oxford Street, les contenus créent une ambiance visuelle et sonore. Un DJ anime l’espace avec des danseurs habillés en Nike. Des écrans vidéo sont intégrés dans la plupart des linéaires. Ils diffusent de l’information sous forme de rotation d’images fixes et génèrent des effets visuels à partir de jeux de matières et de couleurs. Des dispositifs lumineux, panneaux, bornes, supports fluorescents, installations, animent le lieu. Au-delà de l’éditorial, les contenus physiologiques participent de manière puissante à l’identité des magasins.
À côté de contenus «discursifs» ou éditoriaux existent d’autres types d’expression des marques, qui impliquent directement le corps. Cette modalité peut prendre diverses formes (lieux, machines, interfaces, objets, sons, odeurs, goûts, lumières) et créer différents effets.
Les bandes-son des lieux de vente font l’objet d’un travail identitaire de plus en plus soigné. Précurseur, Nature & Découvertes a accompagné son concept de sons évoquant la nature, l’exotisme et les civilisations lointaines. Dès sa création en 1990 et via son label discographique Vox Terrae, Nature & Découvertes a suivi l’évolution des musiques du bienêtre, du confort et de la douceur. Aujourd’hui on parle «d’architecture musicale» pour définir les emplacements des sources sonores.
La lumière, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est décisive dans la réussite d’un projet d’aménagement. Avec les évolutions technologiques autour de l’éclairage, les marques sont en capacité de travailler leur empreinte lumineuse et la mise en lumière des lieux. Espérons qu’elles se dotent d’une identité lumineuse et que les éclairages criards et autres pollutions visuelles disparaissent du paysage.
Offrir de la nourriture ou une boisson est une manière de créer une relation intime avec ses consommateurs. Certaines marques proposent des boissons à la dégustation, un rituel d’accueil : boisson détox au citron chez Liz Hurley ou thé à discrétion chez Nature & Découvertes.
Les nouvelles frontières du contenu sur le lieu de vente
Lieux symboliques, les points de vente et les flagships expriment la quintessence des marques. Ils assemblent des éléments emblématiques de la brand culture : couleurs, objets, accessoires, matériaux, réalisations, photos, oeuvres, éléments naturels, etc. Chez des retailers multimarques comme Best Buy, les marques s’approprient des espaces d’exposition selon le principe du showcasing. Le magasin devient une arène, où les marques s’affrontent via le décor et les contenus.
Pour faire vivre des expériences, les marques ne se limitent pas aux boutiques. Elles créent des lieux de sociabilité : café, bar, restaurant, hôtel, parc d’attraction, musée… Parmi plus d’une centaine de lieux, citons le musée Heineken Experience à Amsterdam, le parc d’attraction de Ferrari à Abu Dhabi, l’hôtel Fauchon à la Madeleine ou Microsoft Digital Eatery à Berlin. Ces lieux ont été analysés dans un livre blanc publié par SoLocal. Mobile et éphémère par définition, le pop-up store autorise une grande liberté. Les pop-up stores revêtent les formes les plus variées : trucks, bus, trams, containers, stands, espaces modulables, bars, boutiques, pavillons, folies ou installations spectaculaires. Ils sont des lieux idéaux pour diffuser du contenu. Le phénomène des pop-up stores a été analysé par Klépierre dans un autre livre blanc.
Les pages produit sur les marketplaces
Le contenu expérientiel et pédagogique est donc essentiel pour les retailers. Les distributeurs doivent proposer des espaces d’expression aux marques qu’ils hébergent. Cela est vrai dans le magasin physique comme en e-commerce. Il est urgent que les distributeurs développent des pages produit riches, en partenariat avec les fabricants. Ces catalogues interactifs sont des points de contact majeurs. Pour éclairer la profession, QualiQuanti réalise actuellement un observatoire des meilleures pratiques et une étude sur le fonctionnement des pages produit.
Par Daniel Bô, président de Brand Content Institute et de la société d’études QualiQuanti. Il est l’auteur du livre Brand culture, paru chez Dunod en avril 2019.
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