Une interview de Raymond Bauriaud, président de Sporsora, association interprofessionnelle au service du développement de l’économie du sport, et directeur marketing & communication de la Fédération Française de Basket-Ball
CB Expert : Comment la pratique du sport a-t-elle évolué ces dernières années?
Raymond Bauriaud : En termes de licenciés, la plupart des fédérations ont retrouvé ou amélioré leurs chiffres d’avant-covid. Il y a aussi un accroissement de la pratique «libre» , c’est-à-dire hors club, lié au développement des infrastructures privées et des équipements extérieurs financés par des collectivités. La pratique sportive est aussi devenue un élément de politique publique liée à la santé et au bien-être, et non plus uniquement à la compétition.
CB Expert : Pourquoi les marques s’intéressent-elles de plus en plus au sport pour communiquer?
Raymond Bauriaud : Le sport porte des valeurs universelles permettant de toucher toutes les populations sur des aspects positifs. Une étude réalisée en mars par Sporsora avec le cabinet Occurrence a montré que 80% des Français s’intéressent au sport, 78% ont une bonne opinion du sponsoring et 83% jugent qu’il est utile au sport. L’émotion partagée que le sport procure est irremplaçable. La croissance du nombre d’annonceurs est aussi liée aux performances des sportifs français, notamment dans les sports collectifs, qui fédèrent le public et génèrent d’excellentes audiences à la télé et sur les réseaux sociaux. Cela permet de capter des annonceurs, tout comme l’organisation – de plus en plus fréquente – de grands événements en France. Depuis que Paris a été choisie pour les JOP 2024, la part de voix du sport progresse en France ce qui génère l’intérêt des marques.
CB Expert : Quelles sont les nouvelles tendances du marketing sportif?
Raymond Bauriaud : Certaines marques ont des stratégies de contenus liés au développement durable, c’est un volet de ce qu’on appelle le partenariat sportif responsable. D’autres investissent sur le sport féminin via des athlètes ou des équipes. Les marques s’engagent aussi davantage sur le sport amateur. Il ne suffit plus pour une marque d’être sur la «face avant» d’un maillot, elle doit aussi mener des actions d’accompagnement au plus près du terrain, là où sont les consommateurs. Une étude Sporsora, menée avec KPMG en 2021, a révélé que 89% des contrats de sponsoring proviennent des PME (59% en valeur) et 92% du nombre de contrats établis sont d’un montant inférieur à 100 000 euros (51% en valeur). Ils profitent majoritairement aux clubs amateurs qui captent 40% du montant total des investissements en sponsoring. Le sommet de l’iceberg que l’on voit, avec par exemple Qatar Airways sur les maillots du PSG, n’est pas la seule réalité de cette industrie.
CB Expert : L’inflation des droits sportifs se poursuit-elle ?
Raymond Bauriaud : Sur des assets premium que sont les équipes nationales, des grands clubs pros ou des grands événements, la valeur marketing est toujours en croissance. L’inflation des droits TV a, elle, connu une pause du fait d’une concentration du marché et de difficultés économiques de la part de certains acteurs. Néanmoins, l’arrivée des plateformes américaines (Amazon, Apple, Disney+, Warner) pousse la concurrence et est susceptible de refaire partir les droits à la hausse.
CB Expert : Comment la digitalisation impacte-t-elle le sport et les clubs ?
Raymond Bauriaud : L’impact de la digitalisation est important. Des start-up proposent des services pour la gestion des clubs. La plupart d’entre eux ont mis en place des offres numériques à destination de leurs publics et adhérents, pour le suivi des résultats ou des compétitions en live, pour la prise de licences et de cotisations… Ces outils facilitent la pratique du sport, en en faisant un outil de consommation courante. Sur son smartphone ou son ordinateur, tout le monde doit pouvoir choisir très facilement son club, sa salle, sa pratique, son moyen de paiement.
CB Expert : Qu’est-ce que les Jeux de Paris apporteront au sport et aux marques partenaires après 2024?
Raymond Bauriaud : Si la France gagne des médailles, ce sera une réussite et ce sera bénéfique notamment pour toutes les disciplines qui auront performé. Mécaniquement, tous les athlètes et toutes les fédérations qui auront brillé en tireront un bénéfice après 2024, ainsi que toutes les marques qui les auront soutenus. Il y aura un effet JO sur l’augmentation des licenciés et sur la découverte de disciplines. Les Jeux peuvent créer des héros dans des sports encore peu médiatisés et qui pourront ensuite se développer.
CB Expert : Vous êtes aussi directeur marketing et com de la FFBB. Quels sont les atouts du basket pour les marques?
Raymond Bauriaud : Les valeurs du basket sont en phase avec celles de la société actuelle : intégration et mixité (sociale, sexuelle, générationnelle), facilité d’accès, fairplay. Le basket est universel, c’est le seul sport US pratiqué dans le monde entier, hyper digitalisé, incarné par des icônes françaises et étrangères. Le basket dépasse le cadre du sport. Il y a un «lifestyle basket» qui déteint sur la musique, l’habillement, la mode. Ce sport présente un côté esthétique, très télégénique, instagrammable, nourris de Highlights spectaculaires, mais aussi dans la qualité et le design des infrastructures et des produits. Des terrains sont dessinés par des artistes, des chaussures sont revisitées en collab’, des ballons customisés par des créateurs ou des marques de luxe. Tout cela contribue à une «hype» du basket qui est bien réelle.
CB Expert : Quelles sont les marques partenaires du basket et que recherchent-elles?
Raymond Bauriaud : Ce sont de grandes entreprises qui s’associent à un sport qui incarne des tendances actuelles, sur lequel ils peuvent développer des programmes spécifiques. La marque Jordan (Nike), l’équipementier Molten et le réseau Intersport ont une forte affinité avec le basket. La MAIF investit beaucoup sur le sponsoring responsable. La Caisse d’épargne et GRDF nous aident à développer l’accessibilité à travers le basket 3×3. Le réseau de Suzuki se retrouve dans celui de la discipline et de nos clubs. On travaille avec FDJ sur le volet féminin, avec La Poste sur le champ des arbitres, avec Ferrero pour développer la pratique sportive auprès des jeunes.
CB Expert : Le basket 3×3 est devenu olympique aux derniers JO. Qu’est-ce que cela a changé?
Raymond Bauriaud : Cela a amené de nouveaux partenaires. Le 3×3 permet d’organiser des tournois au coeur des villes à l’air libre, sans contrainte, et de rendre la pratique du basket accessible à tous et au moindre coût. Il nous permet d’accroître notre offre, face à une demande très importante et la saturation des clubs. Il constitue aussi un outil de promotion pour le basket au sens large.
Raymond Bauriaud est président de Sporsora, association interprofessionnelle au service du développement de l’économie du sport, et directeur marketing & communication de la Fédération Française de Basket-Ball (FFBB).
Propos recueillis par Emmanuel Charonnat
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