Capter les émotions, marquer les passions… le sport à la télévision est un terrain de jeu sans cesse renouvelé pour les marques qui ont des valeurs à transmettre, des engagements à partager, ou qui cherchent simplement à développer leur notoriété ou leur image.
Capter les émotions, marquer les passions… le sport à la télévision est un terrain de jeu sans cesse renouvelé pour les marques qui ont des valeurs à transmettre, des engagements à partager, ou qui cherchent simplement à développer leur notoriété ou leur image. De la TV au smartphone, bienvenue dans le dernier grand spectacle du petit écran. Qui fait le bonheur des petits et des grands!
Les quinze mois à venir seront riches en émotions. Après le Tour de France 2023, le Mondial de foot féminin et la reprise de la Ligue 1 avec un nouveau PSG, nul doute que les Bleus «ovales» brilleront face aux Blacks dans l’Hexagone, tandis que les Lensois essaieront de sortir de leur poule de Champions League après 20 ans de diète. Le premier semestre 2024 nous offrira un beau Tournoi des 6 Nations et une nouvelle édition ensoleillée de Roland-Garros. Et les Bleus « ronds » seront espérés en Allemagne pour défendre leur statut de favori à l’Euro, quelques jours avant le départ du Tour. Puis ce sera l’apothéose, les Jeux, l’Olympe à Paris ! Spectateurs, médias et marques vont s’en donner à coeur joie.
Dernier bastion de la puissance TV
«Le sport est le dernier bastion qui réunit autant de publics différents à un instant T et qui déchaîne des passions. Il se regarde peu en replay», souligne Matthieu Caste, directeur des partenariats sportifschez Fuse (OMG). Co-président de Publicis Sport, Pascal Crifo confirme l’importance de la puissance instantanée des retransmissions: «Dans la puissance, il y a la vertu de toucher plein de cibles en même temps. Souvent les annonceurs ont des coeurs de cible, mais il est toujours bon pour eux de travailler régulièrement les cibles larges, de parler à différents publics». Et «notamment les petits consommateurs TV et les jeunes qui désertent le média. Si on veut toucher des 15-25 ans en TV, le bon rapport prix/audience, c’est un événement sportif», poursuit celui qui dirige aussi l’agence média Blue 449. Le temps d’un match à enjeu, ces jeunes n’hésitent pas à «délaisser leur consommation de vidéo délinéarisée, Netflix ou Prime Video, pour revenir en direct sur TF1, France TV, Canal+ ou d’autres, parce qu’il y a une exclusivité». Ainsi France Télévisions se targue d’avoir atteint une audience cumulée de 99,7% sur les 15-34 ans en 2022 pour l’ensemble de son offre sportive.
«Depuis 2018, chaque année, la meilleure audience de la TV est celle d’un sport collectif sur TF1: coupes du monde de foot masculines et féminines, finale de Champions League avec le PSG, Euro 2021» se réjouit Stéphane Devergies, directeur commercial du pôle Sport & Information chez TF1 Pub. «La finale de la coupe du monde 2022 France-Argentine est même le record historique du Médiamat, avec plus de 24 millions en moyenne en linéaire et 30 millions au moment des tirs au but. Aucun autre programme n’est capable d’une telle performance».
«Les événements sportifs sont des grands marqueurs pour les chaînes», explique Matthieu Caste. «Le
foot a toujours été un produit d’acquisition et de fidélisation pour Canal+. TF1 s’est largement développé sur le suivi des équipes de France lors des grandes compétitions internationales. France TV se présente comme le plus grand terrain du sport, avec des marronniers très puissants que sont Roland-Garros, le Tournoi des 6 Nations, le Tour de France… Les grands événements sportifs sont des faire-venir incomparables pour les marques médias, qui répondent aux attentes et envies du public».
«Dans un contexte de baisse de la durée d’écoute TV, les événements sportifs sont un des genres qui résistent le mieux», observe Frédéric de Vincelles, DG des programmes du groupe M6, en charge des plateformes et du sport. «Dit autrement, le sport fait venir à la télévision des gens qui n’y viennent pas
tous les jours». Les sommes payées pour les droits des grands événements sportifs sont rarement rentables pour les chaînes TV en clair, si l’on ne regarde que leurs revenus publicitaires associés. Mais ces programmes sont indispensables pour maintenir le lien – en live – avec les téléspectateurs et le lien avec les annonceurs les plus captifs. «Comme d’autres genres en télévision (la fiction française et les films US en général), le sport – de façon systématique – n’est pas rentable» reconnaît-on du côté de M6. Mais «il attire vers M6 ou W9 un public plus large que d’habitude et nous essayons de tisser un lien avec eux, de faire de la rétention en leur présentant des autopromotions, en leur parlant de nos autres programmes phares».
Féminisation de l’audience
Si les écrans publicitaires situés autour du sport sont généralement tarifés sur la cible des hommes de 25 à 49 ans, les régies scrutent aussi leurs performances sur les cibles mixtes et mêmes féminines. «D’autant plus que, depuis la Coupe du monde 2018, les scores FRDA<50 ans [Ndrl: Femmes Responsables des Achats de 15 à 49 ans] des matches de foot ont progressé de façon spectaculaire. Il y a eu une féminisation assez forte de l’audience du foot et du sport en général sur les 5 dernières années» ajoute Frédéric de Vincelles. Une tendance que confirme Nathalie Dinis, DGA Commerce de FranceTV Publicité : «Nous constatons de plus en plus de mixité dans l’audience des événement sportifs: en 2022, la part des femmes a atteint 41,3% sur le Tour de France, 48,2% sur Roland Garros et même 53,4% sur les JO d’hiver.» Chez M6, on cite l’exemple de ce match de poule de l’Euro 2021, France-Allemagne, qui avait réalisé une meilleure part d’audience auprès des FRDA<50 (62,5%) que sur l’ensemble des individus de 4 ans et plus (57,8%).
Ruée vers l’écrin
Quels sont les annonceurs les plus attachés à ces moments de communion sportive, considérés comme brand safe et porteurs de valeurs ? «À l’exception de marques ayant des cibles exclusivement féminines, toutes les grandes marques sont présentes autour des grands événements sportifs», affirme Stéphane Devergies chez TF1 Pub. Mais «cela dépend aussi de la temporalité de l’événement. Ainsi, les marques de chocolat qui ne sont pas là d’habitude en juin / juillet sont venus en novembre / décembre sur le mondial du Qatar à l’approche des fêtes de Noël». Ferrero était le 4ème annonceur présent dans ces écrans sur TF1 en décembre, selon Kantar. Le directeur commercial cite aussi le cas du «secteur du parfum masculin très présent avant les fêtes de Noël: «Cela a tellement bien marché pour eux qu’ils seront là aussi en septembre / octobre pendant la coupe du monde de rugby.» D’après les bilans de Kantar, le secteur de la beauté a pesé 17% dans les revenus publicitaires du mondial 2022 sur TF1, contre 10% dans celle de 2018. Outre L’Oréal, les parfums Giorgio Armani, Jean-Paul Gaultier, Christian Dior, Azzaro, Hermes, Chanel, Yves Saint Laurent et Dolce & Gabbana se sont disputés les écrans pub des 28 rencontres diffusées en clair. Dans le top 10 des annonceurs, figurait une seule marque auto (Renault) mais deux marques fast-foot (Burger King, McDonald’s) et trois marques liés aux équipements et abonnements médias (Apple, Amazon, Canal+), devant FDJ, Visa et EDF.
Quand la demande est forte, «les régies s’efforcent de servir les annonceurs captifs, ciblant les hommes, qui ne comprendraient pas de ne pas y être, puis c’est la bataille entre grandes marques ciblant plus largement» raconte Pascal Crifo qui révèle également que pendant la finale et la demi-finale de la France au Qatar, son agence a pu acheter des emplacements au dernier moment. Il faut dire que le tarif brut a atteint des sommets (330 000 € les 30 secondes). Selon Kantar, Burger King a acheté le spot le plus cher : 907 500 € bruts pour 60 secondes, pendant la mi-temps de France-Argentine. «Les annonceurs ne regardent pas tant que ça le coût/GRP sur ces matchs-là. Ce qu’ils veulent, c’est toucher 25% des Français en même temps. Ils paient cette puissance», assure Pascal Crifo.
L’emplacement préféré des annonceurs – et donc vendu le plus cher – est appelé le golden spot. Il ne dure que 60 secondes, peut accueillir 3 spots, et est placé entre les hymnes et le démarrage du match.
Viennent ensuite les premiers et derniers spots de la mi-temps. «Quand on travaille sur le dispositif et la tarification d’un événement sportif, il y a de nombreux aléas. Est-ce qu’il y aura une équipe française? Est-ce un match à enjeu? Y aura-t-il à la fin du match une situation qui peut faire gonfler l’audience? La construction des tarifs et écrans est assez complexe et propre à chaque match» raconte Maxime André, directeur marketing de M6 Publicité. Chez France Télévisions, où l’on diffuse bien d’autres disciplines que le foot et le rugby, on met en avant le fait que la régie a créé fin 2022, des ciblages TV «pratiquants de sports» et «sports addicts» permettant aux marques captives d’optimiser leur médiaplanning. «Et, en TV segmentée, nous pouvons directement cibler les fans de rugby, les fans de Roland-Garros, les fans du Tour de France», ajoute Nathalie Dinis. « La TV segmentée offrira aussi la possibilité aux annonceurs régionaux de cibler de manière géographique et réduira le ticket d’entrée TV de cette compétition » complète Maxime André.
Rugby World Cup 2023 : la France favorite à la maison
Pour la finale du 28 octobre, en cas de présence de la France, TF1 voit toujours plus haut, forte de ses dernières expériences. Il faudra débourser 350 000 € les 30 sec. si les Bleus sont de la partie. Pour le parrainage c’est bouclé depuis longtemps. « Le rugby est un des sports où les annonceurs sont les plus fidèles, engagés depuis des décennies (GMF, Société Générale…). Dans les heures qui ont suivi la publication des offres le 25 janvier, les annonceurs présents auprès du XV de France ou comme grands partenaires de la World Cup ont immédiatement acheté les dispositifs de parrainage» nous confie Stéphane Devergies. Les partenaires de l’événement sont prioritaires sur ces offres. Certains ont même l’exclusivité sectorielle (auto, banques, carte bancaire…), c’est-à-dire que si Land Rover n’avait pas acheté le partenariat sur TF1, ni Renault, partenaire de la FFR, ni aucune autre marque auto n’aurait pu le faire.
TF1 Pub a profité de cet engouement pour tester le système des enchères sur un nouvel emplacement, le Golden Auction Spot. «Placé entre la fin du haka et le coup d’envoi de France-Nouvelle Zélande, c’est un spot exclusif de 70 secondes, acheté par un annonceur agro-alimentaire qui présentera un spot spécialement créé pour l’événement. Ce n’est pas un écran, c’est un écrin », assure le directeur commercial. Mais l’enchère reste une exception. La quasi-totalité des espaces seront vendus sous forme de packages garantis et en achat classique à l’unité, sur TF1, M6 et France Télévisions, qui se partageront les retransmissions. «Le package est intéressant pour créer un effet de vague. L’achat au match, c’est pour faire des coups et être puissant », précise Pascal Crifo chez Publicis. «La prévision d’audience n’est pas très difficile à réaliser car nous avons beaucoup de benchmarks d’audiences avec ou sans les Bleus. Le mondial de rugby a déjà eu lieu en France». Chez M6, on considère que c’est un événement «considérable et très attractif»: «Nous voulions faire partie de la fête. Au-delà des matches eux-mêmes, nous proposons une long tail d’offres entre le sponsoring, le classique, la radio, le digital, les opérations spéciales… Notre objectif est de maximiser la vente de toutes ces offres», détaille Maxime André.
JO : tout le monde devant la cérémonie
Si le service public participera également à la fête de l’ovalie, il aura l’exclusivité d’un autre événement
considérable, encore plus rare… «L’intérêt des annonceurs pour Paris 2024 est très fort, avec une anticipation importante. Le partenariat avec Samsung a été activé dès J-500. Nous déclinons ensuite avec les autres partenaires à J-400, J-1 an, J-300… Puis tout ira crescendo», affirme Nathalie Dinis. La DGA de la régie relève notamment qu’«il y a de plus en plus d’appétence de la part des partenaires officiels des grands événements sportifs de s’associer aux diffuseurs, ce qui était moins le cas avant 2020. Cela leur permet de donner du sens à leur partenariat auprès du grand public et de fédérer leurs collaborateurs en interne, tout en travaillant leur attractivité auprès de leurs clients et prospects». Il reste tout de même une inconnue: le contexte économique et le fait que la première quinzaine d’août est traditionnellement la période publicitaire la plus creuse de l’année pour la TV. Pour les Jeux Paralympiques, programmés du 28 août au 8 septembre, la question se pose moins. Pascal Crifo estime que «la période est très favorable, ils seront très demandés par les annonceurs et il y aura de l’audience». «Pour les écrans des JO en journée début août, cela dépendra des tarifs, de l’offre et de la demande. Il y aura des coups à jouer», estime-t-il, ajoutant que «les agences essaieront de négocier un coût au GRP garanti». La fin de journée (19h-20h), le week-end et certaines disciplines comme l’athlétisme retiendront davantage l’attention des médiaplanneurs, mais une chose est certaine, il n’y aura pas d’écran publicitaire après 20h, et seuls les partenaires seront visibles en soirée. S’il est difficile de prévoir en 2023 comment sera l’état du marché TV pendant l’été 2024, il n’en est pas de même pour un autre média, la publicité extérieure. «Nous le voyons à travers l’inflation de l’affichage. Pour être présent dans Paris en 2024, il faut acheter en 2023, et là on passe du simple au double sur de nombreux dispositifs», constate le dirigeant de Blue 449.
Du côté des audiences TV, on est très confiant chez FranceTV Publicité: «Tout le monde va regarder les Jeux Olympiques. L’été est la période idéale». «Les prévisions d’audience des JO seront plus complexes à faire que celles du mondial du rugby», reconnait cependant Pascal Crifo. «On ne peut que se baser sur les JO de Londres.» En tout cas, il partage ce pronostic avec Nathalie Dinis: «La cérémonie d’ouverture peut faire énormément d’audience. Les Français seront curieux de voir comment on va accueillir le monde sur la Seine.»
Emmanuel Charonnat
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