Face à une désaffection croissante pour les points de vente banalisés, dans une société qui refuse de plus en plus la standardisation, concurrencés par les e-shops et les initiatives des marques Direct to Consumer, les retailers se sont lancés dans de véritables opérations de séduction de leurs consommateurs.
La personnalisation pour séduire les clients par l’émotionnel
Au coeur de leur stratégie, la personnalisation se décline dans trois dimensions, avec tout d’abord, la personnalisation des espaces. Ils deviennent des espaces de vie plutôt que de simples lieux de vente attendus, sans surprise. Ainsi l’engouement pour les «concept-stores» (Merci,…) et les lieux hybrides (cafés dans les librairies, food trucks posés au milieu de l’hypermarché…) traduit cette nouvelle attente. Ensuite, la personnalisation des data et de l’intelligence artificielle qui permet aux retailers de personnaliser leurs offres. Ainsi, H&M teste à Stockholm une offre fondée sur le traitement des données issues des tickets de caisse et des retours produits.
Enfin, la personnalisation des services au travers du brand content. Les retailers se lancent dans la production de contenus de marque à vocation résolument servicielle (bien manger, quel maquillage selon mon visage…).
Du « phygital » émouvant
L’objectif pour les retailers est de dessiner les contours d’un parcours client sur-mesure, fluide, et toujours plus expérientiel, en réduisant la distance géographique et psychologique avec le point de vente : «je suis chez toi» via le digital, «tu es chez toi dans mes boutiques» via le redesign des espaces et des technologies présentes en boutique, «je te rends service» et «je te parle à toi, comme tu es, car je te connais bien».
Le réenchantement de l’expérience magasin
Les outils digitaux envahissent les rayons, proposant des expériences «augmentées» en point de vente. L’affichage digital joue à plein dans les rayons des grandes surfaces et des centres commerciaux, il permet d’influencer et d’inspirer le consommateur quand celui-ci se trouve en phase d’achat. La réalité augmentée permet de prolonger les «émotions» lors de la découverte ou de l’achat d’un produit (par exemple, l’expérience Pandora). Tout est fait pour créer la surprise, retenir l’attention et provoquer l’émerveillement in-store. L’hologramme, enfin, même s’il reste encore peu utilisé, est un moyen efficace pour captiver les consommateurs.
Des enseignes qui se comportent comme des marques
Désormais, les retailers ne peuvent plus se comporter comme de simples lieux de distribution, ils doivent travailler leur marque à part entière : quelle proposition de valeur ? quelle raison d’être ? quelle utilité ? Brand Purpose, Brand Utility, pour les retailers, il s’agit d’inverser la démarche historique : de la mise à disposition d’une offre à la réponse aux besoins et attentes exprimées par les sociétés.
L’enjeu principal de la communication des retailers dans le monde est bien de créer du lien, de montrer que la marque a écouté, compris et répond aux tendances.
Les 4 piliers de la « remix culture »
À partir de notre veille internationale, nous avons repéré un certain nombre de cas exemplaires de communication de retailers, s’inscrivant dans les 4 piliers de la Remix Culture identifiés par UM : Resist ; Retrograde ; Recreate ; Reglocalize.
. RESIST : Challenger les normes existantes
Le retailer pointe du doigt une situation, et mobilise ses consommateurs pour changer les choses. Cette démarche doit être cohérente par rapport l’offre de l’enseigne, sinon cela ne fait pas sens pour le consommateur. Exemple : Domino’s Pizza repave les nids de poule aux US pour que la pizza soit meilleure en arrivant.
Autre exemple : Carrefour, dans le cadre de son programme «Act For Good», milite pour une alimentation plus saine grâce à des actions concrètes. L’enseigne a proposé au mois de mai une opération originale destinée à ses consommateurs belges, les invitant à s’inscrire en ligne pour bénéficier chaque semaine des conseils d’un diététicien professionnel quand ils font leurs courses en hypermarché… Dans cette opération menée en partenariat avec la mutuelle santé Partena, le diététicien aide le client à composer une assiette équilibrée en lui suggérant des associations saines et en mettant l’accent sur l’importance de consommer des fruits et légumes de saison.
. RETROGRADE : Cultiver ses racines
Le retailer travaille les notions d’origine, de traditions et de savoir-faire. Ainsi Delhaize en Belgique, pour faire manger des légumes aux enfants, a lancé en avril 2018 une opération originale intitulée «Les Légumes Magiques». L’initiative consiste à rebaptiser des produits frais avec des noms attractifs pour relancer la consommation auprès des petits. Les carottes sont devenues des «fusées oranges», les haricots verts des «skis de grenouille» et les tomates des «nez de clown». Pour le choix des noms, Delhaize a fait appel à des écoliers qui ont puisé leur inspiration dans des contes de fées et des histoires de magie. Les légumes ont aussi changé de packaging pour attirer l’attention des parents lors de leurs courses en supermarchés et sur le site delhaize.be. Afin de promouvoir l’opération, les produits concernés ont fait l’objet d’une campagne presse et d’une action «2ème à moitié prix». Le retailer a aussi lancé un concours qui invitait ses fans à trouver des noms magiques pour les légumes non concernés par l’opération, sur le site dédié ducotedemavie.be. Les clients pouvaient aussi participer en magasin, en déposant leurs suggestions dans des urnes mises à disposition. Les meilleures idées ont été récompensées par un an de fruits et légumes gratuits.
. RECREATE : Innover, inventer, favoriser la destruction créatrice
C’est certainement la tendance la plus explorée par les retailers, car elle leur permet de «reprendre un coup d’avance».
Exemple : en avril 2018, Zara a déployé une expérience en réalité augmentée intitulée «Shop the Look» dans les vitrines de 120 de ses plus grands magasins à travers le monde, avec comme objectif de séduire les millennials férus de mode et de technologies. Devant la boutique, le passant ne voyait rien d’autre qu’une vitrine vide et le message «Shop the look in augmented reality», accompagné d’une incitation à télécharger l’appli Zara AR sur iPhone ou Android. Une fois cette démarche effectuée, il n’avait plus qu’à pointer son smartphone vers la devanture pour voir défiler des mannequins sur son écran, comme s’ils se déplaçaient réellement dans la vitrine. Les modèles virtuels portaient les vêtements de la dernière collection Printemps/Eté 2018, que le client pouvait acheter en quelques clics sur son mobile. L’appli fonctionnait également à l’intérieur du magasin, en pointant le smartphone vers des podiums qui portaient le même message que la vitrine. Dans le cas d’un achat en ligne, l’expérience se poursuivait jusqu’à la livraison, puisque les boîtes dans lesquelles les produits étaient livrés permettaient de déclencher les vidéos en réalité augmentée.
. REGLOCALIZE : Entremêler le mondial et le local
C’est une tendance remarquable pour les retailers : avec la mobilité croissante, les consommateurs sont friands de retrouver près de chez eux l’une de leurs boutiques préférées du bout du monde. L’arrivée d’Eataly à Paris est symptomatique de cette engouement pour la «reglocalization».
Autre exemple : à l’occasion de l’ouverture en septembre 2017 de sa boutique dans le 8ème arrondissement de Paris, l’enseigne new-yorkaise de prêt-à-porter et d’accessoires féminins Kate Spade a mis en place une opération de réalité augmentée intitulée «Joy Walks», en partenariat avec trois blogueuses de mode et le site de bons plans My Little Paris. Celles-ci proposaient aux mobinautes des itinéraires pour faire découvrir leurs adresses parisiennes préférées, transformant ainsi la capitale en terrain de jeu poétique. Pour découvrir ces endroits insolites, il suffisait d’utiliser l’appli Tapage et de suivre les parcours des «Kate Spade girls» sur une carte interactive. En se rendant physiquement sur les lieux sélectionnés, les promeneurs découvraient via leur smartphone des animations en réalité augmentée : des flamands roses flottant sur la Seine, un taxi jaune new yorkais apparaissant à l’improviste dans une rue, des cakes qui volent autour de pâtisseries… Les participants étaient encouragés à photographier et partager leurs expériences sur Instagram avec le hashtag #katespadejoy. Chaque partage de l’opération était récompensé par un accessoire offert dans la boutique parisienne.
Faire du retail une expérience «instagrammable»
Il n’existe pas une approche préférable à une autre, ni de recette miracle. Le devoir des enseignes, c’est de faire de l’expérience marchande un élément de la vie contemporaine. Quelque chose d’« instagrammable ». Le supermarché, la grande surface spécialisée ou le pure player digital ne peuvent pas se contenter d’une proposition logistique de mise en rayon. La modernité ne peut pas s’arrêter à leur portique. Leur défi, c’est de se ré-ancrer dans leur époque, au coeur de la vie des gens. C’est ce que nous proposons chez UM, avec notre méthode propriétaire « Remix Culture ».
Isabelle Le Bras-Abgrall, consultante en stratégie de marque,
et Guillaume Théaudière, directeur de la stratégie,
chez UM (IPG Mediabrands),
avec l’aide de Focalys qui a recensé les cas.
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