Malgré la montée en puissance du digital, les médias traditionnels (TV, presse, OOH, radio, prospectus) restent des supports de communication privilégiés pour les enseignes GSS
Dans un marché publicitaire média, digital inclus, en hausse de +5,9% en 2018, l’ensemble du secteur de la distribution est toujours celui qui investit le plus dans les médias avec 16,3% de part de voix, selon Kantar. Il enregistre néanmoins un ralentissement et affiche +1% sur ses investissements nets en 2018 contre +8% l’année précédente. Le secteur a investi 1,718 milliard d’euros dont 1 milliard pour la seule distribution spécialisée. Celle-ci a augmenté ses investissements (+3,8%) tandis que les enseignes généralistes et les vépécistes se sont désengagés.
Derrière Amazon, premier annonceur de la distribution spécialisée avec 185 millions d’euros bruts et une progression considérable de +60%, Ikea reste l’enseigne de GSS qui a investi le plus (138,5 M€, -5%), suivi de Carglass (108M€, +8%) et Castorama (103M€, +32%). C’est le secteur du bricolage qui connaît les plus fortes progressions, hormis Conforama dont les investissements publicitaires ont plongé de -47%. Une dégringolade qui s’explique par les rumeurs de vente de la part du groupe sud-africain Steinhoff, propriétaire de l’enseigne, qui aimerait se débarrasser d’une marque qui souffre de la concurrence d’Ikea et du e-commerce. Outre le bricolage, les univers du sport et de la mode sont également dynamiques.
Les GSS fidèles aux médias traditionnels
Contrairement aux autres secteurs économiques qui basculent une partie importante de leurs investissements publicitaires sur les canaux digitaux, les enseignes de GSS sont fidèles aux médias traditionnels. D’abord à la télévision, carrefour d’audience incontournable, avec 240,3 M€, suivi de la radio (163,3 M€), de la publicité extérieure (149,6 M€) et de la presse (95 M€), dont plus de la moitié (48,7 M€) pour la PQR.
Alexis Goujon, directeur de la stratégie de CoSpirit MediaTrack, agence média à la fois nationale (MediaTrack) et régionale (CoSpirit), estime que la relation des enseignes de GSS avec les médias traditionnels a toujours été forte : «le retail est depuis longtemps très présent sur les médias locaux, PQR, radio locale ou affichage. Les campagnes s’articulent par rapport à un plan d’action commercial lors de temps forts de génération de trafic, comme les opérations thématiques qui s’adressent à tous les secteurs (la rentrée, Noël, les grandes vacances) ou au contraire à certains marchés, l’hiver pour les accessoires auto par exemple. Et bien sûr lors des opérations événementielles propres à l’enseigne ou au magasin». En fonction de la nature des opérations, la communication est différente : rapidité et proximité pour les promos, couverture étendue et puissance pour les événements.
Pour Isabelle Vignon, déléguée générale en charge du marketing et des études du SNPTV, «les distributeurs, qu’ils soient généralistes ou spécialisés, choisissent la télévision pour sa puissance grâce à sa couverture inégalée et sa mesure quotidienne, plus précise que celle de la radio qui se fait par vagues plusieurs fois dans l’année». Mais si les GSS investissent autant dans les campagnes télé, c’est aussi pour l’efficacité de ce média «en termes de branding, que ce soit en notoriété spontanée ou assistée, et surtout pour son impact sur les ventes». Malgré les restrictions en vigueur concernant la distribution, les opérations commerciales de promotion étant encore interdites, la télévision reste donc très attractive pour les enseignes. Et l’arrivée de la TV segmentée (ciblage personnalisé et géolocalisé des messages publicitaires), en discussion actuellement, pourrait faire encore augmenter les budgets de distributeurs très intéressés. «Ils vont pouvoir cibler des zones de chalandise ou géographiques, et observer l’efficacité de leurs campagnes sur les ventes de manière locale» ajoute Isabelle Vignon.
Après la télévision, c’est la radio qui séduit le plus les enseignes. «La radio leur permet de générer du trafic. C’est un média très présent dans les voitures qui servent à aller faire les courses. On peut aussi annoncer les promotions sur les ondes dès le matin» analyse Jean-Manuel Mettetal, directeur commercial et développement de Aradio, qui propose aux annonceurs des pastilles audio thématiques d’une minute diffusées sur l’ensemble des stations françaises. Si la presse souffre, sa version régionale, la PQR, s’en tire nettement mieux. «Après des années de croissance de la pression publicitaire média de la distribution, on assiste en 2018 à une légère baisse, notamment pour la distribution spécialisée avec un recul de -2,3%, en valeur brute mesurée par Kantar. Mais le PQR66, l’offre nationale de la régie 366, connaît une augmentation en 2018 de +5% sur la distribution alimentaire et de +37% pour la distribution spécialisée» précise Bruno Ricard, directeur général adjoint marketing, études & communication de 366.
La PQR s’en sort bien
Cette régie propose deux solutions pour les GSS : la première, gratuite, se présente sous la forme d’un module cartographique développé avec France Pub qui fournit des informations géolocalisées sur des bassins de population, avec une capacité à isoler les réseaux d’enseignes et leur potentiel de croissance, puis à proposer des solutions de communication adaptées. Exemple avec une enseigne de bricolage qui voulait implanter un magasin sur la Côte d’Azur : «nous avons effectué une analyse du bassin de vie de la zone et nous leur avons fourni des solutions qui correspondent à nos éditions locales print et digitales, en l’occurrence les éditions locales de Nice Matin» décrit Bruno Ricard. Autre produit de 366 : Hexago, une offre payante de campagnes publicitaires digitales web et mobile qui s’adresse à toutes les entreprises en réseaux (distribution, automobile, boulangeries, etc.) et ne cible que les zones de chalandise pertinentes. «C’est une solution de ciblage multipoints qui permet de personnaliser à la volée les créations des annonceurs» précise Bruno Ricard. Pour le DGA marketing de 366, la PQR est «un média de confiance, peu touché par le phénomène des fake news, car l’information locale est aisément vérifiable». Par ailleurs, la régie a observé une mutation dans les campagnes de communication, avec une émergence des campagnes institutionnelles/ RSE versus les campagnes promo/prix. Une tendance qui concerne d’abord les GSA, mais qui semble gagner les GSS («Manifeste Castorama», « Picard c’est bon la France »). « C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un suivi des retombées de ce type de communication sur la base des post-tests réalisés auprès de notre panel propriétaire 366 » précise Bruno Ricard.
L’OOH, média d’engouement
L’affichage OOH est un autre média traditionnel apprécié de la grande distribution, alimentaire et spécialisée. « Chez JCDecaux France, la distribution pèse 11% du chiffre d’affaires en 2018 et devrait atteindre 13% en 2019, et les investissements sont a minima stables sur les dernières années et en croissance sur les derniers mois » explique Jean Muller, directeur général délégué commerce et développement. Sephora par exemple utilise le mobilier urbain pour faire la promotion de produits exclusifs : « notre média permet à Sephora de s’adresser au plus grand monde et non pas uniquement à une niche d’acheteuses qui suit les influenceurs sur les réseaux sociaux. Pour Sephora, la communication extérieure est un média « d’engouement », précise Jean Muller. JCDecaux a un panel d’offres pour répondre à toutes les problématiques des enseignes : urbaines, comme Sephora ou Monoprix, ou alimentaires, avec le réseau de panneaux longue conservation (campagnes de trois semaines à six mois, voire à l’année). «Grand Frais, l’enseigne préférée des Français, investit sur l’ensemble du territoire l’affichage en longue conservation pour communiquer en «top of mind» (notoriété spontanée de premier rang) et en drive-to-store» illustre Jean Muller. Pour lui, l’affichage est le «média qui a le mieux résisté au tsunami digital et qui continue de croître».
Le prospectus fait de la résistance
La mort annoncée du prospectus publicitaire n’a pas eu lieu. Il reste le premier levier de création de trafic en magasin. ISA (imprimé sans adresse), imprimé publicitaire, tract, publicité non adressée, catalogue : des noms divers pour décrire le bon vieux prospectus papier qui continue d’attirer les investissements des réseaux de distribution malgré sa disparition annoncée depuis 15 ans. En 2010, Michel-Edouard Leclerc annonçait un objectif zéro prospectus pour 2020 qui ne sera pas tenu. En 2018, le groupement a continué d’en distribuer 6,8 par mois (en moyenne par boîte aux lettres) selon UFC-Que Choisir. Monoprix a fait la même promesse en début d’année et son catalogue papier n’est plus disponible qu’en magasin. Or, le prospectus digital diffusé sur les applications mobiles des enseignes ou par l’intermédiaire de plateformes spécialisées comme Bonial n’a pas détrôné l’ISA. En ces temps de revendication de pouvoir d’achat, le prospectus est plus que jamais apprécié des ménages (20 milliards distribués par an, +15% d’augmentation depuis 2004). « C’est toujours le premier levier de création de trafic en magasin » affirme Alexis Goujon, directeur de la stratégie de CoSpirit MediaTrack. Une appétence qui reste forte pour cet ISA multiforme (flyer, double page, mini catalogue ou catalogue complet type Ikea) malgré des coûts du papier et de la distribution qui augmentent. Générateur de chiffre d’affaires, il plaît aux responsables de magasin qui refusent toute baisse de volume des imprimés publicitaires. Ceux-ci pèsent entre 5 et 20% du budget média des réseaux de distribution selon Alexis Goujon. D’après la septième édition de l’étude BALmétrie, 45,4% des personnes interrogées sont allées en magasin ou ont eu l’intention d’y aller après avoir reçu et lu un prospectus. Et ce taux est identique chez les 15-24 ans.
D’après l’étude online réalisée par LSD (groupe Hopp’s) en mai 2019, 48% des personnes recevant des prospectus les jugent utiles et 53% apprécient d’en recevoir. L’utilité de ces prospectus varie sensiblement selon les catégories socioprofessionnelles, le type d’habitat et le pouvoir d’achat : les actifs CSP- (65%), les habitants de villes petites ou moyennes (53% vs 43% dans les grandes agglos) et les personnes préoccupées par le pouvoir d’achat (57%) sont ceux qui les apprécient le plus. Pour 63% des Français qui en reçoivent, les offres de réduction, coupons promotionnels ou échantillons gratuits participent à améliorer leur pouvoir d’achat, et pour plus d’une personne sur deux, ils les aident à équilibrer leur budget (53%). Pour Céline Letu-Tortorici, directrice marketing et communication de Hopp’s Group « c’est un média de masse très apprécié des annonceurs qui permet de cibler des zones grâce à la géolocalisation ». Malgré un certain mépris pour un média vu comme ringard et polluant, le prospectus papier continue donc de séduire massivement. «C’est vraiment le média du drive to store, même s’il n’a pas bonne presse» conclut Céline Letu-Tortorici.
Patrick Cappelli
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