La publicité du dernier mètre avant l’achat se digitalise, dans les hypers mais aussi les GSS
D’après les chiffres publiés par l’Irep, le DOOH (digital out-of-home) est en hausse de +22,3% en 2018 (et même +26,5% au 1er trimestre 2019). Quant au segment Shopping de la publicité extérieure, il a gagné +10,7%. Hors internet, ce sont les deux canaux médias qui affichent les meilleures tendances du marché publicitaire.
Le dernier mètre avant l’achat
«Pour les marques l’intérêt de la communication in-store, souvent complémentaire d’un dispositif pluri-médias en amont, est d’être au plus proche de l’acte d’achat, à un moment assez stratégique, quand on sait que de nombreux achats sont encore réalisés de façon impulsive et spontanée» nous explique Vladimir Chou, directeur général adjoint de l’agence Screenbase (WPP), spécialisée dans le conseil et l’achat DOOH.
«En fonction des études, c’est entre la moitié et les deux tiers des décisions d’achats qui sont prises devant un rayon», confirme Romain Dublanche, directeur général de la régie in-Store Media. «De plus, l’audience est pré-qualifiée. Dans un hypermarché vous avez 100% de shoppers. La valeur de notre média, c’est vraiment son contexte. A nous ensuite d’assurer la couverture et la répétition.»
En hyper, la présence des écrans digitaux se fait – selon la nature du produit et sa problématique – soit à l’entrée des grandes surfaces, soit dans les allées centrales, soit au niveau des caisses. Les marques qui communiquent s’appellent Danone, Nutella, Mikado, MayTea, Heineken, Martini ou encore William Lawson.
«Nous pouvons analyser précisément l’impact sur les ventes en comparant – avec IRI, MarketingScan ou Nielsen – un groupe de magasins qui a diffusé la campagne versus un groupe de magasins comparables qui n’a pas diffusé la campagne. C’est l’un des rares médias à proposer ce type de mesures», souligne Romain Dublanche.
Chez Fnac Darty, on distingue deux types de marques qui communiquent. D’abord les marques captives, référencées dans les enseignes, pour lesquelles la régie publicitaire interne propose des «dispositifs de communication sur-mesure et à deux pas des produits proposés en rayon (hardware micro, téléphonie, électroménager, billetterie…)», avec notamment 2 000 écrans DOOH déployés dans les magasins. Les zones d’attente sont également équipées, avec des écrans plus larges : les caisses, les SAV, les services adhésion, les retraits d’achat. Le temps de cerveau y est davantage disponible, et sur ces écrans, peuvent aussi communiquer des marques non captives mais proposant des services complémentaires : opérateurs téléphoniques, assurances… Enfin, comme nous l’explique Arnauld de Saint Pastou, directeur de la régie publicitaire & du trade marketing chez Fnac Darty, «nous avons digitalisé une quarantaine de vitrines dans les flagships de centre-ville (Fnac Ternes, Darty République…) avec un double intérêt pour la marque qui communique : toucher le client qui entre dans le point de vente et capter une audience de passants dans des quartiers à fort trafic».
Quels types de messages diffuser sur le point de vente?
Pour Romain Dublanche, «en DOOH, la création est souvent inspirée soit de la création en affichage papier, soit éventuellement du spot télé. La question est de savoir comment adapter la création au point de vente, dans un format court de 10 secondes. Nous recommandons plusieurs règles : la présence de la marque du début à la fin du spot pour assurer l’attribution et un impact sur les ventes (dépassant les seuls produits promus) ; la mise en avant d’un ou plusieurs produits promus que les Shoppers trouveront en rayon ; et l’intégration d’un call to action : inviter les Shoppers à bénéficier de la promotion, tester une innovation, donner rendez-vous en rayon, etc.»
Le DOOH au service de l’interactivité et de la personnalisation ?
«Le DOOH emprunte le meilleur des deux mondes de l’affichage – puissance d’un média de masse et d’un média qui peut s’événementialiser – et du digital : visibilité, réactivité et contextualisation des messages en fonction de la géographie, de l’audience, de la météo… » rappelle Romain Dublanche. «C’est un dispositif qualitatif qui attire l’attention du public».
Mais «c’est très difficile de transformer le média DOOH in-store, qui s’adresse à un ensemble de personnes de façon simultanée, en un média de personnalisation one-to-one », explique Vladimir Chou. «Cependant ce média, qui permet une grande flexibilité, essaie de s’inspirer des bonnes pratiques du digital en adressant le bon message à la bonne cible au bon moment. En étudiant par exemple les pics de fréquentation des cibles pour leur exposer un message adapté. On est dans le domaine du precision marketing».
«On peut travailler l’interactivité des écrans sous un angle événementiel, mais avec deux contraintes », complète Romain Dublanche. «La première est qu’il faut souvent quelqu’un à côté de l’écran pour accompagner les utilisateurs. La seconde est que cela oblige d’interrompre la boucle publicitaire, alors que nous avons des engagements de diffusion de campagnes. Au lieu de mélanger la publicité et le serviciel, il est préférable de prévoir des écrans dédiés à l’interactivité, car c’est une expérience qui n’a pas grand chose à voir avec le fait de voir des publicités au fil de son parcours d’achat.»
Les enjeux du média in-store
Pour Rémy Gerin, DG de la régie Médiaperformances, qu’il a fondé en 1985: «le premier enjeu, dans notre marché, c’est de passer d’une régie instore à une régie Shopper. De ne plus partir du lieu mais de partir de la cible, dans un contexte où elle adopte aujourd’hui des comportements omni-canaux. Et donc de pouvoir proposer aux marques d’adresser l’ensemble du parcours Shopper avec une palette de leviers médias, relationnels, promotionnels, promotionnels, en fonction de la stratégie de la marque». «Par ailleurs, il y a une prime à la taille, les annonceurs FMCG veulent du reach. Ils n’ont pas le temps de rencontrer et de travailler avec tous les acteurs. Ils choisissent quelques acteurs qui leur garantissent d’abord du reach, puis de l’affinité et un ROI » poursuit-il. « En outre, de plus en plus de marques n’arrivent pas à distribuer leurs produits dans plus de 60% des magasins (en valeur). Elles doivent arbitrer leur stratégie de communication alors que, dans un magasin sur deux, leur produit n’est pas présent. Cela renforce la pertinence des médias Shopper qui ont la capacité à cibler les acheteurs en fonction des enseignes fréquentées et à garantir aux marques qu’il n’y aura pas de déperdition».
Son concurrent, le directeur général d’in-Store Media, perçoit trois autres enjeux liés au DOOH : «la certification de la diffusion des campagnes, avec déjà 4 régies labellisées par l’ACPM (JC Decaux, Mediatransports, Clear Channel et nous-mêmes) ; l’enjeu du programmatique où l’écran DOOH devient un écran complémentaire du mobile et du PC ; le couplage DOOH/mobile ou comment on peut cibler sur ces deux écrans des personnes qui fréquentent un centre commercial ou tout autre point de vente».
Et demain ?
Pour le directeur de la régie de Fnac Darty, «d’un côté, la maîtrise du ciblage dans les rayons va s’intensifier et de l’autre, l’événementialisation et la théâtralisation se développeront, pour augmenter la visibilité du produit, dès l’entrée du magasin et même 50 mètres avant l’entrée.» Arnauld de Saint Pastou mise aussi sur le retailtainment, c’està- dire divertir les Shoppers à travers des «zones expérientielles, des corners dédiés, pour créer de la proximité avec le client autour d’espaces de démonstrations, de tests de produits, notamment dans les magasins Fnac où on sait que les clients viennent avant tout flâner, découvrir de nouveaux produits, de nouvelles expériences. Ils sont très perméables à ce genre de dispositifs, y compris pour des produits hors captifs. Nous avons par exemple exposer des BMW à la Fnac des Ternes pour créer la surprise. Cela permet de créer un « accident de parcours », un moment de « sérendipité ». Cela peut aussi être un mini-concert dans un magasin Fnac ou un cours de cuisine chez Darty avec une marque d’électroménager».
Emmanuel Charonnat
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