IA, publicité et contenus : attention à la glu digitale…

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«Ne me suivez pas partout, mais surprenez moi !», une tribune d’Emmanuel Charonnat, directeur de CB Expert

« Je vais vous raconter une histoire. Un cas extrême mais vécu et véridique. Il y a un mois, j’ai reçu une publicité sur mon smartphone, au coeur d’une appli, sous forme de pop-up. C’était une mise en avant des compétences de l’un de mes fournisseurs technologiques. De la com BtoB. Je me suis dit « Wouaouh ! Ils font de la pub » (c’est une TPE). J’en ai reçu une deuxième quelques minutes plus tard sous forme de bannière, en consultant le site mobile d’un éditeur de presse. J’ai pensé : « Comme ils visent bien. Je suis dans la cible. Et en plus ils varient les formats. » Même si je suis déjà leur client, cela fait de la présence à l’esprit. Une heure plus tard, sur mon ordi, en haut de ma boîte mail : de nouveau une annonce à l’égérie de mon fournisseur. « Euh… ils arrivent à me suivre sur différents devices. Bravo ! Mais ça commence à m’agacer ». Les jours suivants, j’en ai reçu des dizaines et des dizaines, sur l’ordi et surtout sur le mobile, qui me disaient tout le temps la même chose sur mon fournisseur. La nausée. Je suis suivi. Une glu digitale. Et je n’avais plus le droit de voir aucune autre pub. Il n’existait plus que mon fournisseur sur la Terre qui voulait m’envoyer des messages. Finalement très agacé, j’ai contacté mon fournisseur. Il m’a expliqué que j’avais dû visiter son site et que je suis alors tombé dans « la cible de remarketing Google » (ça doit être une sorte de potion magique) et qu’il aller essayer de « baisser un peu le nombre d’expositions ».

Je suis aussi allé effacer mon historique de navigation sur Safari mais tout cela n’a pas suffi et j’ai perdu au passage l’historique de navigation qui m’était bien utile. Un mois après, je continue à recevoir encore beaucoup de publicités, chaque jour, du même émetteur. Je ne sais pas combien mon fournisseur a payé pour tout cela. Mais le résultat, c’est un client agacé. Un niveau d’attention maximal mais bourré d’émotion négative. Une expérience client, oui, mais sur la mauvaise pente.

Il m’est impossible de zapper cette pub comme je pourrais le faire en TV, en radio ou en presse. Impossible de voir d’autres publicités comme je pourrais le faire en TV, en radio ou en presse.
Mais où va-t-on si les autres médias se mettent au programmatique, à l’automatisation, au ciblage hyper personnalisé ? Je ne pourrai plus voir des publicités de grande conso car j’ai atteint la cinquantaine ? Je ne recevrai plus que des publicités BtoB ou de sites de rencontres pour seniors ? Je n’ose pas imaginer ce qui va me tomber dessus à 60 ans.
Et qu’en sera-t-il des programmes, des contenus, des articles que l’on me recommandera ?
A l’époque où il n’y avait pas de mesures d’audience, les programmateurs TV inventaient ce qui pourrait intéresser ou divertir le téléspectateur, avec leur imagination, leur créativité, leur flair et leurs tripes. On pouvait laisser le temps de la découverte à des personnes qui n’étaient pas encore des cibles.
Puis les chiffres ont pris le dessus, les experts les décortiquaient et on a inventé moins de programmes. Maintenant, le digital est une grande bouillie de chiffres que plus personne ne regardent et qui décident tout seuls (impulsés par des algorithmes fous qui ne connaissent pas la notion de «respect») de m’envoyer des publicités «Big Brother» ou des recommandations d’articles sur-prometteurs (avec des titres qui ne correspondent pas aux contenus des articles), souvent ennuyeux, et qui seront bientôt écrits par des robots.
Si c’est cela la personnalisation promise, je n’en veux pas. Je veux pouvoir choisir ma forme de personnalisation, si je veux, quand je veux et où je veux. Je veux pouvoir continuer à prendre le métro, aller au cinéma, et voir les mêmes affiches, les mêmes spots que tout le monde. Je ne veux pas qu’un panneau numérique me dise «Bonjour Emmanuel, ça n’a pas l’air d’être la grande forme aujourd’hui ?» (la première fois ça peut être rigolo mais la dixième…). Je préfère qu’il me dise «Bonjour Vous. Souriez, il fait beau dehors.»

Et j’aimerais pouvoir dire : je ne veux plus jamais recevoir de publicité en provenance de telle marque ou de recommandation d’articles publiés sur tel site. C’est mon choix.
Je ne veux pas confier ma vie média et publicitaire à des développeurs d’algorithmes qui me filent la trouille par leur incompétence. Je veux pouvoir être surpris par des programmes qui me surprennent et des publicités qui m’intriguent, pouvoir les partager ou les commenter avec des amis ou avec des inconnus.

Pour revenir à mon histoire, j’ai fini par installer un adblocker, ce que je m’étais toujours refusé à faire. Mais cela ne suffit toujours pas…  »

Emmanuel Charonnat


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